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Commerce intra-africain « En tant qu’investisseur, voulant contribuer à la grandeur de l’Afrique, je dois demander 35 visas différents sur mon passeport », déplore

novembre 09, 2024 0 106

« En tant qu’investisseur, en tant que personne voulant contribuer à la grandeur de l’Afrique, je dois demander 35 visas différents sur mon passeport », a déploré le milliardaire nigérian Aliko Dangote qui a vu sa fortune augmenter de 15,1 milliards de dollars pour s'établir à 27,8 milliards de dollars en 2024, lors du Forum des PDG africains à Kigali, au Rwanda, en mai 2024.

Pour Dangote et de nombreux dirigeants africains, les restrictions de mobilité freinent les affaires ; leur suppression pourrait libérer le potentiel du commerce intra-africain, qui ne représente actuellement que 17 % bien loin des 60 % de commerce intrarégional de l’Europe.

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), lancée par les dirigeants africains en mars 2018, devrait stimuler le commerce intra-africain et consolider un marché de 1,3 milliard de personnes avec un PIB combiné de 3 400 milliards de dollars. La Banque mondiale estime que cela pourrait augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici 2035, et potentiellement sortir 30 millions de personnes de la pauvreté extrême.

La ZLECAf pourrait élargir la base fiscale de l’Afrique et renforcer sa capacité à gérer durablement sa dette d’environ 1 100 milliards de dollars et en croissance, affirme l’institut de recherche américain Brookings Institution.

La mise en œuvre de l’accord commercial progresse bien, a déclaré Wamkele Mene, Secrétaire général du Secrétariat de la ZLECAf basé à Accra, lors de l’événement GABI. Avec 54 États membres de l’UA signataires (seule l’Érythrée n’a pas signé) et 48 pays ayant soumis des instruments de ratification, Mene s’attend à une croissance significative du commerce, bien que des défis subsistent.

La libre circulation est essentielle

Une étude de 2023 de l’Union africaine (UA) et de la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU (CEA) affirme que la libre circulation au sein du continent est « indispensable pour le commerce intra-africain et pour l’agenda d’intégration et de développement de la région ».

Cependant, seuls quatre pays africains le Bénin, la Gambie, le Rwanda et les Seychelles offrent une entrée sans visa à tous les citoyens africains ; 33 pays permettent l’accès sans visa aux ressortissants d’au moins 10 pays africains ; et 30 pays exigent encore des visas pour plus de la moitié des nations africaines, selon l’Indice d’ouverture des visas en Afrique 2023, produit par le Groupe de la Banque africaine de développement et la Commission de l’UA.

Conceptuellement, les dirigeants africains souhaitent eux-mêmes faciliter la circulation. Par exemple, l’Agenda 2063 de l’UA envisage « une Afrique intégrée, prospère et pacifique ». En 2018, ils ont adopté le protocole sur la libre circulation des personnes, en amont de l’entrée en vigueur de la ZLECAf.

De plus, le Secrétariat de la ZLECAf identifie les « retards excessifs aux frontières » et les « exigences documentaires lourdes » comme des obstacles non tarifaires qui doivent être éliminés pour faciliter le commerce intra-africain.

Mais lorsque les échanges dans le cadre de la ZLECAf ont débuté en janvier 2021, le protocole sur la libre circulation n’était toujours pas en vigueur. En octobre 2024, seuls 32 pays avaient signé le protocole, et seulement quatre (Mali, Niger, Rwanda et Sao Tomé-et-Principe) l’avaient ratifié bien en deçà des 15 ratifications nécessaires pour qu’il entre en vigueur.

Les obstacles à la mise en œuvre

Pourquoi les pays hésitent-ils à ratifier le protocole sur la libre circulation ? Selon l’étude de l’UA-CEA, les États connaissent peu les avantages économiques de la libre circulation. Une plus grande mobilité de la main-d'œuvre pourrait dynamiser le commerce intra-africain, favoriser le transfert de connaissances, le renforcement des capacités et améliorer l’accès aux marchés pour les produits et services africains.

En outre, de nombreux pays manquent d'infrastructures de gestion des frontières adéquates, ce qui complique la gestion efficace des flux migratoires et l’application des mesures de sécurité.

Certains États craignent également que les travailleurs étrangers ne prennent les emplois locaux ou ne pèsent sur les ressources publiques comme la santé, l’éducation et les services d’assainissement.

Les frais de visa constituent une source de revenus vitale pour de nombreux pays, souvent pour combler les déficits budgétaires. La suppression de ces frais pourrait temporairement affecter les budgets nationaux, même si la libre circulation pourrait apporter des bénéfices économiques plus importants à long terme.

La pandémie de COVID-19 a également soulevé des inquiétudes sanitaires, certains pays craignant qu’une circulation transfrontalière non réglementée ne facilite la propagation des maladies, compliquant ainsi la gestion de la santé publique.

L’étude de l’UA-CEA note un écart entre le protocole sur la libre circulation des personnes et l’accent mis par la ZLECAf sur la libre circulation des biens et des services, et exprime la nécessité de donner la priorité aux deux aspects.

La voie à suivre

Malgré ces défis, les défenseurs de la zone de libre-échange demeurent optimistes. L’Initiative de commerce guidé (GTI) de la ZLECAf, qui a débuté en octobre 2022 avec sept pays, s’est élargie à 39 pays, dont les puissances économiques que sont l’Afrique du Sud et le Nigéria. La GTI constitue un projet pilote pour le cadre juridique et opérationnel de la ZLECAf, et son succès est de bon augure pour des objectifs plus larges comme la libre circulation des personnes.

Le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), une initiative conjointe du Secrétariat de la ZLECAf et de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), facilite les paiements transfrontaliers en devises locales et gagne progressivement en popularité parmi les commerçants. Avec plus de 42 monnaies en circulation dans 48 pays participants, le PAPSS vise à réduire les coûts associés aux échanges de devises, bénéficiant particulièrement aux chefs d’entreprise itinérants et aux jeunes entrepreneurs.

On peut également noter les succès relatifs d’intégration dans les communautés économiques régionales de l’Afrique, telles que la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui pourraient ouvrir la voie à une intégration continentale plus large.

À long terme, le lancement du passeport panafricain en juillet 2016 pourrait contribuer à lever les obstacles à la mobilité. L’UA prévoit que les citoyens auront accès à ces passeports à l’avenir, ce qui serait une bonne nouvelle pour les femmes commerçantes, qui représentent environ 70 % du commerce transfrontalier informel en Afrique et rencontrent souvent des obstacles aux postes-frontières.

Les conditions semblent réunies pour le succès de la ZLECAf. De nombreux efforts ont déjà été déployés pour établir les cadres juridiques pour le commerce numérique, les règles d’origine, un mécanisme de règlement des différends, ainsi que des instruments tels que le PAPSS et l’Observatoire africain du commerce, un portail d’information.

Mene souligne qu’il faudra davantage d’efforts pour persuader les États d’assouplir les restrictions sur la circulation des personnes.

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