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« Le besoin de financer le commerce intra-africain est réel », dixit le vice-président SFI, Sergio Pimenta

janvier 11, 2024 0 635

La Société financière internationale (SFI), branche de la Banque mondiale dédiée au développement du secteur privé, a nettement augmenté ses engagements sur le continent africain. Au cours de la dernière année fiscale, clôturée en juin 2023, la SFI a alloué 11,5 milliards de dollars à travers une centaine d'opérations dans 40 pays africains.

Un montant historique. Pour la première fois, l'institution financière passe la barre des 10 milliards de dollars engagés pour développer le secteur privé en Afrique.

Dans un entretien accordé au Point Afrique, son vice-président, Sergio Pimenta, responsable des opérations sur l'Afrique à la tête d'une équipe de 850 personnes, dont 99 % répartis sur le continent, explique l'importance du financement du commerce international pour les PME africaines. Il détaille aussi les raisons et le fonctionnement de l'accord signé le 14 décembre entre la SFI et la Proparco. Un accord qui porte sur le partage de risques entre les deux institutions, pour financer le commerce international, doté d'une enveloppe de 200 millions de dollars. Pour Le Point Afrique, Sergio Pimenta revient sur les tenants et aboutissants de ces accords.

Le Point Afrique : Pouvez-vous nous expliquer le contexte de cet accord avec Proparco (la branche de l'Agence française de développement dédiée au secteur privé) qui vise à combler le déficit de financement du commerce en Afrique ?

Sergio Pimenta : Nous avons identifié l'importance du financement du commerce international en Afrique comme vecteur de développement. Traditionnellement, ce financement est géré par les banques commerciales classiques, mais les banques locales ont souvent du mal à s'intégrer au réseau international en raison de divers défis dont la mise en conformité avec les règles et les procédures internationales.

À partir des années 2000, nous avons commencé par aider les banques locales à faire du commerce international avec des banques internationales. Nous avons aussi observé, surtout depuis la pandémie du Covid, une accélération du commerce intra-africain. Même si les chiffres du commerce intra-africain représentent une part assez faible du commerce international, ils ont fortement augmenté ces dernières années. La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), lancée en 2019 à Kigali, s'inscrit dans cette tendance.

Si vous voulez faire du commerce international, partout dans le monde, vous avez besoin de financements spécifiques, le plus souvent, ce sont des lettres de change ou de crédits. En Afrique, ces financements restent très chers et difficiles à obtenir notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME). Seulement un quart des PME ont accès à ce financement.

L'an dernier, nous avons réalisé une étude avec l'Organisation mondiale du commerce sur neuf pays d'Afrique de l'Ouest pour mesurer les besoins de financement du commerce international. Elle a montré que si les entreprises étaient financées correctement, on pourrait avoir une augmentation des exportations et des importations de 26 milliards de dollars par an ainsi qu'un impact positif sur le PIB et l'emploi en Afrique de l'Ouest. Il existe un réel besoin de financer ce commerce intra-africain et international.

Pouvez-vous nous détailler ce partenariat avec Proparco et cet accord de partage de risques ?

La SFI a déjà déployé une initiative pour financer le commerce sur le continent africain à travers le Garantie Trade Finance Program (GTFP). Cependant, comme les besoins de financement du commerce sont très importants, en signant avec Proparco un partenariat sur le partage de risque, nous allons pouvoir faire plus dans le cadre de ce programme existant.

Lorsqu'une entreprise a besoin d'un financement d'un million d'euros pour faire une opération, normalement nous partageons le risque, souvent à hauteur de 50 %, avec la banque qui gère cette opération. Avec Proparco, nous divisons les risques entre nous, mais surtout nous allons pouvoir financer des opérations plus importantes et en plus grand nombre.

Concrètement, comment cela se passe, que garantissez-vous ?

Le financement du commerce international se fait principalement à travers des lettres de créances. Par exemple, une entreprise en Zambie veut exporter un bien au Sénégal. L'entreprise sénégalaise ne souhaitera payer qu'une fois le produit reçu. Cependant, l'entreprise zambienne, pour se prémunir, n'acceptera d'expédier le bien que si elle reçoit une lettre de crédit qui l'assure d'être payée. Ces lettres de créance facilitent les échanges entre entreprises africaines (ou étrangères) en fournissant des garanties de paiement lors d'exportations ou d'importations. Normalement, la banque de l'exportateur en Zambie prend contact avec la banque de l'importateur au Sénégal. Cependant, bien souvent, ces deux banques n'ont pas de relations entre elles. Elles sont alors obligées de passer par une banque intermédiaire, probablement à Londres pour la banque zambienne et à Paris pour la banque sénégalaise. Chaque banque qui intervient va prendre au passage une commission. Ces opérations sont plus lourdes, plus chères et surtout les risques qu'un des opérateurs se désiste sont plus grands.

Nous travaillons donc sur le financement d'un grand nombre de banques. Nous connaissons bien les banques en Zambie, au Sénégal et nous prenons le risque de financer l'échange entre une banque en Zambie et une banque au Sénégal.

L'accord de garantie avec Proparco porte sur une première enveloppe de 200 millions de dollars qui soutiendra principalement des opérations de commerce à court terme, typiquement sur une période de 3 à 6 mois. Cette enveloppe va permettre de réaliser un grand nombre d'opérations de petite taille. L'idée est de commencer sur deux pays ? Madagascar et le Nigeria ? et rapidement de l'étendre à d'autres. À terme, l'accord avec Proparco devrait passer à 500 millions de dollars. D'expérience, je peux vous dire que ces programmes de financement du commerce sont vite utilisés du fait de la forte demande des entreprises.

Les banques ont un rôle majeur dans vos actions ?

Un bon tiers de nos opérations en Afrique se nouent avec les banques, car ce sont elles qui ont accès aux PME. Ce n'est pas facile pour une institution multilatérale d'aller financer directement des PME. Avec les banques locales, nous avons des programmes pour financer des entreprises détenues par des femmes, d'autres pour financer des PME sur des questions d'environnement? Nous travaillons beaucoup sur le secteur agricole. Pour financer des fermiers au fin fond du Botswana, vous avez besoin de vous appuyer sur les banques locales.

Notre collaboration avec Proparco vise aussi à étendre notre réseau de banques partenaires pour offrir cette opportunité aux entreprises. Actuellement, nous travaillons avec près de 120 établissements bancaires sur le continent. Ces programmes de financement international impliquent des aspects techniques et réglementaires spécifiques, aussi nous finançons des formations pour les banques partenaires, indispensables pour que ces opérations fonctionnent efficacement et pour les aider à intégrer le système financier international.

Dans le communiqué de presse, il est souligné que cet accord avec Proparco s'inscrit dans le cadre de l'Alliance de l'entrepreneuriat en Afrique?

Effectivement, Proparco et la SFI font partie de cette Alliance de l'entrepreneuriat en Afrique, lancée à Paris en 2021 à l'occasion du sommet France-Afrique. L'objectif est d'amener les institutions multilatérales qui historiquement financent des grandes entreprises à avoir une approche différente pour les PME et de favoriser l'entrepreneuriat, vecteur d'emploi notamment pour les jeunes. L'idée est de partager des connaissances, des idées et des initiatives telles que celle-ci pour soutenir les PME africaines.

Last modified on jeudi, 11 janvier 2024 20:16

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