Horizon-News : Mme OBIM, vous êtes la seule femme de l’exécutif communal de Wawa 2. Quel bilan personnel tirez-vous de ce mandat ?
Mme OBIM : Ce mandat a été pour moi une véritable école de leadership, mais aussi un terrain de transformation sociale. Dès le départ, il a fallu composer avec des réalités complexes : la décentralisation naissante, les attentes fortes de la population et une pandémie mondiale qui a bouleversé toutes nos projections. Et pourtant, grâce à une franche collaboration entre conseillers, à l’écoute de la hiérarchie et surtout à la confiance des populations, nous avons pu construire des bases solides. Les citoyens reconnaissent nos efforts et c’est cela, la plus belle des récompenses.
Vous avez été très active sur le terrain. Quelles ont été vos actions phares ?
Mon rôle m’a portée là où bat le cœur de la commune : sur le terrain, dans les villages, auprès des femmes, des jeunes, des élèves. J’ai mené de vastes campagnes de sensibilisation sur la décentralisation et la citoyenneté active. Dans une commune aussi vaste et enclavée que Wawa 2, il fallait d’abord faire comprendre les enjeux de cette nouvelle gouvernance locale. J’ai aussi beaucoup travaillé à faire reculer les violences basées sur le genre, en encourageant les jeunes filles à prendre leur place dans la société.
Avec notre partenaire ANTENNA France, nous avons lancé un projet d’alimentation saine en milieu rural, touchant plus de 60 femmes. Dans les collèges, lycées et centres de formation, nous avons soutenu la scolarisation et l’émancipation des jeunes filles. Les effets ont été concrets : baisse significative des grossesses précoces et nette amélioration des taux de réussite féminins. Ce sont là des signaux forts que le changement est en marche.
Au-delà de la commune, vous êtes aussi active au niveau national et international avec le REFELA. Parlez-nous de cet engagement.
Le REFELA est un formidable espace de mobilisation pour les femmes élues d’Afrique. En tant que vice-présidente pour la région des Plateaux, j’ai participé à plusieurs sessions de formation, de plaidoyer et d’échanges. J’ai notamment représenté le Togo lors de rencontres en France (2022 et 2023) et au Burkina Faso. Ces missions ont été l’occasion de présenter les atouts touristiques de notre commune, notamment ses cascades, et d’initier des pistes de coopération décentralisée. De retour au pays, j’ai veillé à ce que chaque expérience vécue à l’étranger soit partagée, restituée, et mise au service du collectif.
Quels obstacles avez-vous dû surmonter ?
Le démarrage du mandat a été houleux. Chacun voulait s’affirmer, parfois au mépris des textes encadrant la décentralisation. Cela créait une atmosphère de rivalité et de cacophonie. Mais avec patience, dialogue et pédagogie, nous avons pu restaurer un climat de collaboration et de responsabilité.
L’autre frein majeur reste la question des moyens. On ne le dira jamais assez : sans ressources financières, même les meilleures intentions s’arrêtent à la porte de l’action. Le Fonds d’appui aux collectivités territoriales (FACT) nous a heureusement permis d’amorcer certains projets structurants. Je remercie également M. le Maire, qui a toujours accompagné nos initiatives avec engagement.
Comment évaluez-vous aujourd’hui la participation des femmes et des jeunes dans la vie communale ?
Elle est encore trop timide, mais les mentalités évoluent. Nous avons intégré des femmes dans les commissions communales et encouragé les jeunes à s’impliquer dans les dynamiques locales. Il faut continuer ce travail d’éducation civique, car la démocratie à la base ne peut s’épanouir sans la participation active de tous. L’implication des jeunes filles, en particulier, est essentielle. Ce sont elles, les actrices du changement de demain.
À l’approche des prochaines élections municipales, quelles sont vos perspectives ?
Je suis candidate à ma propre succession. Ce mandat m’a permis de lancer des projets ambitieux, mais beaucoup restent encore à finaliser. Je souhaite renforcer nos partenariats, attirer de nouveaux financements et consolider l’autonomisation des femmes et des jeunes. Mon engagement reste intact, et je suis prête à continuer ce chemin aux côtés de mes concitoyens.
Quel message souhaitez-vous adresser aux femmes de votre commune, et au-delà ?
À toutes les femmes, je dis ceci : engagez-vous ! La politique n’est pas réservée aux hommes. Elle est aussi votre affaire. Trop souvent, la peur, les tabous ou le manque de confiance nous freinent. Il faut briser ce plafond de verre. Oui, c’est difficile. Oui, il y a des obstacles. Mais oui, c’est possible ! Mon parcours est la preuve que l’on peut y arriver avec du courage, du travail et de la foi en soi. Que chacune ose rêver, se battre et laisser une empreinte durable dans sa communauté.
Avec une voix claire, une posture déterminée et un engagement sincère, Mme OBIM Ama Kafui incarne une nouvelle génération d’élues locales : proches du peuple, actives sur le terrain, et porteuses de vision. À l’heure où le Togo renforce sa politique de décentralisation, de telles figures sont précieuses. Elles rappellent que le leadership féminin n’est pas une option, mais une nécessité pour un développement équitable, inclusif et durable.
Interview réalisée par Jean-Marc Edron