Horizon news: Bonjour Madame Dédé Akpedje Messan, merci d’avoir accepté notre invitation. Pourriez-vous vous présenter à nos auditeurs ?
Dédé Akpedje Messan : Bonjour et merci à vous. Je suis Dédé Akpedje Messan, conseillère municipale déléguée, signataire d’actes d’état civil. Je suis en couple et mère de trois enfants. J’ai exercé ce mandat avec engagement tout au long de ces six dernières années.
Vous avez été l’une des rares femmes élues au sein du conseil municipal. Comment s’est construite cette expérience au fil du mandat ?
Dédé Akpedje Messan : En effet, au début du mandat, nous étions trois femmes. Malheureusement, nous ne sommes plus que deux aujourd’hui. Je m’incline devant la mémoire de ma collègue tragiquement disparue le 14 février 2025. Cette expérience a été à la fois exigeante et enrichissante. Elle m’a permis de grandir sur les plans personnel et professionnel.
Quels ont été, selon vous, les principaux résultats de votre action durant ces six années ?
Dédé Akpedje Messan : J’ai toujours voulu être une élue de terrain, proche des réalités quotidiennes des habitants. Nous avons amélioré le cadre de vie à travers la revalorisation d’espaces publics, des actions pour la propreté, et un accompagnement des initiatives citoyennes. J’ai aussi soutenu les associations locales en les aidant à se structurer et en valorisant leur travail.
Mais l’un des grands projets de cette mandature a été le jumelage avec la ville de Taverny en France, qui a permis la mise en œuvre du programme Dis-moi grande terre, apportant soutien financier, expertise et équipements à notre commune.
Vous n’êtes pas issue du sérail politique. Comment vous êtes-vous préparée à assumer vos fonctions ?
Dédé Akpedje Messan : Je me suis formée de manière autodidacte. Cela a inclus des voyages, des stages d’immersion, des lectures, des échanges avec d’autres élus et des formations, comme le campus de l’Agence française de développement à Marseille. Cette démarche m’a permis de mieux comprendre les rouages administratifs et les leviers à mobiliser pour agir efficacement. Elle m’a rendue plus autonome, plus critique et plus adaptable.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
Dédé Akpedje Messan : Bien sûr. Les moyens financiers limités nous ont souvent freinés. Comme beaucoup de femmes, j’ai dû faire des arbitrages. Je remercie profondément ma famille, surtout ma mère et mon conjoint, qui ont été des piliers. Il y a aussi la lourdeur des procédures administratives, et bien entendu la crise sanitaire qui a bouleversé nos priorités. Mais nous avons fait face avec détermination.
Vous avez reçu plusieurs distinctions. Que retenez-vous de cette reconnaissance ?
Dédé Akpedje Messan : Ces 16 prix et distinctions dans la sous-région et aux États-Unis sont venus saluer un engagement de terrain. Mais au-delà des récompenses, c’est la capacité à écouter, dialoguer et améliorer le quotidien qui donne un véritable sens à mon mandat.
Vous êtes une femme engagée en politique. Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à la participation politique des femmes ?
Dédé Akpedje Messan : Malheureusement, les obstacles sont nombreux. Il y a d’abord les stéréotypes de genre et la culture patriarcale qui font passer les femmes pour incompétentes ou trop émotives. Ensuite, la pression sociale relègue encore trop souvent les femmes à la sphère domestique, ce qui décourage beaucoup d’entre elles.
La double charge familiale et politique est aussi un frein majeur. Sans structures de soutien comme des crèches ou une répartition équitable des tâches, l’engagement devient difficile. Et n’oublions pas l’accès limité aux financements et aux réseaux d’influence, qui désavantage les femmes lors des campagnes électorales. Il y a enfin un phénomène inquiétant : les violences politiques basées sur le genre, allant du harcèlement à l’intimidation. Cela dissuade beaucoup de femmes de s’engager ou de continuer. Et le manque de modèles féminins dans certaines régions n’aide pas à inspirer la relève.
Quelles pistes proposez-vous pour améliorer la représentativité des femmes, notamment à l’approche des municipales de juillet 2025 ?
Dédé Akpedje Messan : Il faut un engagement ferme de l’État, des partis politiques et de la société civile. L’État doit renforcer la législation sur la parité, en imposant des listes mixtes sous peine de sanctions, et en liant les financements publics au respect de cette parité. Je salue ici le président du conseil pour la baisse récente de la caution électorale, un signal fort. Les partis doivent, eux, positionner les femmes à des postes éligibles, pas seulement pour remplir une exigence formelle. Quant à la société civile, elle doit continuer à jouer son rôle de sensibilisation, de plaidoyer et de soutien aux femmes candidates.
Un dernier mot ?
Dédé Akpedje Messan : Oui. La démocratie ne peut être complète sans la voix des femmes. Une gouvernance locale inclusive et équitable est la clé d’un développement durable. En juillet 2025, nous avons une opportunité historique de faire avancer la parité. C’est une responsabilité collective que l’histoire jugera.
Au terme de cet entretien, Dédé Akpedje Messan apparaît comme une figure engagée de la gouvernance locale, portée par un sens aigu de la responsabilité citoyenne et une vision inclusive de la politique. Son parcours, jalonné de défis et de réalisations, illustre avec force la nécessité d’une réelle égalité des chances dans l’accès aux mandats électifs. Alors que se dessine une nouvelle étape démocratique en 2025, son appel à une parité effective résonne comme une interpellation à l’État, aux partis et à la société civile : celle de faire de la voix des femmes un pilier durable de la démocratie locale.
Pour finir, je tiens à remercier l’association internationale des maires francophones à travers l’initiative Prix Egalité Ville de Genève qui a soutenu financièrement le projet.
Jean-Marc EDRON