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Atakpamé : Les gardiens des traditions en première ligne contre l’extrémisme violent et pour une transhumance apaisée.

mai 29, 2025 0 1228

Face aux menaces croissantes qui pèsent sur la stabilité des communautés rurales, les chefs traditionnels des Plateaux-Est s’érigent en véritables vigiles de la paix.

Rassemblés le 28 mai 2025 à Atakpamé dans le cadre d’un atelier de renforcement des capacités, ces garants de l’autorité coutumière ont été appelés à jouer un rôle de premier plan dans la prévention de l’extrémisme violent et la gestion pacifique de la transhumance.

Organisée par le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Chefferie coutumière (MATDCC) avec le soutien de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), cette rencontre s’inscrit dans une série d’initiatives nationales visant à impliquer davantage les acteurs traditionnels dans la consolidation de la cohésion sociale.

La ville d’Atakpamé, surnommée la “cité aux sept collines”, a accueilli ici la troisième étape de cette tournée nationale de sensibilisation et de partage d’informations initiée par le MATDCC.

« Nous ne pouvons plus ignorer les dangers silencieux qui gangrènent nos communautés. Le chef traditionnel doit redevenir ce pilier de sagesse et de médiation », a martelé le Commissaire divisionnaire Vondoly Kodjo, Directeur de la Chefferie traditionnelle, lors de son intervention.

Deux défis majeurs ont servi de toile de fond à cet atelier : l’ombre menaçante de l’extrémisme violent dans la sous-région, et les tensions croissantes entre agriculteurs et éleveurs en période de transhumance. Si le premier trouve un terreau fertile dans la marginalisation et la fracture sociale, le second résulte d’une pression démographique sur les terres, d’une raréfaction des ressources due au changement climatique et de la perte des mécanismes traditionnels de régulation.

« La transhumance est une tradition ancestrale. Mais aujourd’hui, elle devient un sujet de discorde. Nous devons redonner aux chefs locaux les outils pour restaurer le dialogue entre les communautés », a expliqué le préfet de l’Ogou, Kodjo Agbeko Noël Ekpé, représentant du gouverneur.

L’atelier a rassemblé chefs de canton, préfets, maires, représentants de l’administration locale et partenaires techniques dans un dialogue interinstitutionnel et intergénérationnel. Deux communications phares ont marqué les échanges : l’une sur les stratégies locales de prévention de la radicalisation, l’autre sur les mécanismes de gestion non violente de la transhumance.

Les discussions ont permis de mettre à nu les réalités du terrain : frustrations des jeunes face au chômage, méconnaissance des lois sur la mobilité pastorale, conflits latents entre communautés autochtones et allochtones, etc.

« Nos villages sont à la croisée des chemins. Il faut choisir entre le silence complice et l’action collective », a lancé un chef de canton, appelant à une réforme des textes réglementant la transhumance.

Présente à cette rencontre stratégique, Mme Deborah Ankou, assistante principale au programme de l’OIM, a réaffirmé l’engagement de l’institution onusienne aux côtés du gouvernement togolais. Elle a rappelé que la migration humaine et animale, si elle est bien encadrée, peut devenir un moteur de cohésion plutôt qu’un facteur de tension.

« L’OIM est là pour accompagner toutes les initiatives locales favorisant la paix et le dialogue. Les chefs traditionnels ont un rôle central à jouer dans ce processus », a-t-elle insisté.

Même tonalité chez le Maire de la commune Ogou 4, M. GUEGUE Noumonvi, qui a salué une initiative qui « valorise le dialogue communautaire et renforce le vivre-ensemble ».

Au-delà des communications, c’est une prise de conscience collective qui s’est dégagée : celle de l’urgence d’une transformation du rôle des chefs coutumiers, souvent réduits à des fonctions symboliques, en acteurs stratégiques de la prévention des conflits et de la médiation sociale.

« Le chef traditionnel d’aujourd’hui ne peut plus se contenter de juger les litiges fonciers ou de présider des rites. Il doit aussi comprendre les enjeux sécuritaires, sociaux et environnementaux qui menacent ses administrés », a souligné un formateur.

Après Atakpamé, la caravane du MATDCC se rendra à Amlamé ce vendredi 30 mai, poursuivant son itinéraire national pour outiller les acteurs locaux de toutes les régions du pays.

À travers cet atelier, le Togo montre qu’il mise sur l’intelligence de ses traditions pour répondre aux défis modernes. Le pari est audacieux : transformer les chefs traditionnels en acteurs contemporains de la paix, sans renier leur essence.

Dans une époque où les tensions identitaires et les conflits liés aux ressources menacent l’équilibre des territoires, il devient impératif de mobiliser toutes les forces vives – anciennes et nouvelles – pour bâtir une paix durable.

Les gardiens des traditions togolaises l’ont compris : le silence n’est plus une option.

Jean-Marc EDRON

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