Certes, la mise en place et le fonctionnement du Sénat ont un coût. Cependant, il est nécessaire de faire le bilan coût-avantage avant de prendre position. A ce titre, il est opportun de revenir sur les avantages du Sénat. Au-delà de sa contribution dans la mise en place des institutions de la Vème République, le Sénat présente des avantages pour la gouvernance politique, économique et social de l’Etat. Malheureusement, certains de ces avantages ne sont pas nécessairement matériels, ni quantifiables pécuniairement.
D’abord, la mise en place du Sénat participe à la décentralisation de l’exercice du pouvoir politique de l’Etat. Faire les lois pour régir la vie en société est l’attribution première et la plus importante de l’Etat. Désormais, l’Assemblée nationale n’a plus le monopole en la matière. Elle partage ses compétences avec le Sénat. Il peut arriver que la majorité à l’Assemblée nationale ne coïncide pas avec celle du Sénat. Dans pareilles circonstances le pouvoir de légiférer non seulement n’est plus de la seule compétence de la 1ère Chambre, mais il est réparti entre les groupes politiques représentés dans les deux Chambres.
Ensuite, le Sénat est une Chambre de régulation de l’activité législative. Il use de ses prérogatives pour réguler le processus d’élaboration des lois en renforçant non seulement leur qualité mais aussi en veillant à ce que les aspirations et préoccupations des citoyens qui ont échappé aux députés soient pris en compte. Le Sénat participe donc à la réalisation du bonheur des citoyens, même si cela n’est pas quantifiable.
De même, l’élection est un moyen de participation des citoyens à l’exercice du pouvoir. L’élection des sénateurs par les conseillers municipaux et régionaux est un moyen de participation des citoyens au processus décisionnel. Ce qui renforce, dans une certaine mesure, le contrôle citoyen de l’action publique.
Par ailleurs, le Sénat dans son fonctionnement, renforce les mécanismes de gouvernance socioéconomique du pays. Le gouvernement soumet au Sénat pour débat, les projets, programmes et politiques publiques qu’il élabore. A cette occasion, le Sénat s’assure de la prise en compte des besoins des citoyens, de l’adéquation des politiques publiques de l’Etat aux besoins réels, ainsi que l’impact potentiel de ces politiques publiques sur le quotidien des populations. Le Sénat exerce donc un contrôle a priori des politiques publiques de l’Etat, assorti des suggestions et recommandations.
Enfin, le Sénat renforce la cohésion et la paix sociale, en veillant à l’équilibre dans le développement des collectivités. Représentant les collectivités territoriales, il s’assure du développement équilibré des différentes collectivités territoriales par la prise en compte de leurs diversités en termes de potentialités et défis dans une perspective de renforcement de la justice et de l’équité sociale. Or, la paix et la cohésion sociale sont indispensables pour la mise œuvre de tout projet de développement. L’apport du Sénat dans le fonctionnement et la régulation de la vie en société n’est pas marginal.
Au regard de ces quelques avantages, la balance avantages-coûts penche systématiquement vers les avantages. Le Constituant du 6 avril 2024 a donc fait œuvre utile.
Contrairement aux idées reçues ou répandues au sein de l’opinion, la Constitution de la V ème République favorise davantage l’alternance au pouvoir en garantissant une stabilité institutionnelle.
Primo, l’enjeu de chaque élection au Togo change. Les élections législatives et locales sont devenues les scrutins les plus importants. La pluralité des sièges à pourvoir décristallise le débat politique et réduit les tensions. Cela offre des possibilités de partage du pouvoir dans l’Etat qui n’est plus concentré dans les mains du Président de la République.
Secundo, l’architecture institutionnelle de la Vème République renforce les mécanismes d’alternance au sommet de l’Etat, même en milieu de mandat parlementaire dès lors que le parti majoritaire décide de désigner en son sein un nouveau chef de parti.
Tertio, les partis ont la possibilité de former des coalitions majoritaires au sein de l’Assemblée nationale pour désigner en leur sein un Président du Conseil et élire le Président de la République.
Quarto, les moyens d’action entre le gouvernement et l’Assemblée nationale (droit de dissolution de l’Assemblée nationale et la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement) renforcent le contrôle réciproque et la collaboration nécessaires à l’efficacité et à la stabilité du fonctionnement de l’Etat.
Conformément à l’article 10 de la Constitution de la 5ème République, « le Sénat est composé pour deux tiers (2/3) de ses membres, de personnalités élues par les représentants des collectivités territoriales et pour un tiers (1/3) de ses membres, de personnalités désignées par le Président du Conseil ». L’ordonnance n°2024-001/PR du 5 novembre 2024 fixe, en son article 2, le nombre de sénateurs à soixante-un (61). Dans cette logique, les élections du 15 février 2025 ont permis d’élire quarante-et-un (41) sénateurs, soit les deux tiers (2/3).
Le Sénat devra se réunir selon la Loi en session de droit le jeudi prochain 6 Mars 2025.
Au regard des résultats définitifs proclamés le 24 février solennellement par la Cour constitutionnelle, sur les 41 sièges des membres élus du Sénat, le parti UNIR se frotte les mains avec trente-quatre (34), suivi des formations politiques « Le Bloc Alternatif Togolais pour une Innovation Républicaine » (BATIR) avec deux (02) élus, « Le Togo Autrement » avec un (01) élu, « L’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral » (ADDI) avec un (01) élu, « L’Union des Forces de Changement » (UFC) avec un (01) élu, « Le Cercle des Leaders Emergeants » (CLE) avec un (01) élu, puis l’indépendant « Les deux bisons » de Robert Olympio avec un (01) élu au Sénat.