Votée en deuxième délibération le 19 avril 2024, cette révision constitutionnelle est le fruit d’une initiative parlementaire conduite conformément aux dispositions légales, enrichie des contributions des forces vives de la nation à la suite des consultations tenues du 08 au 12 avril 2024. Petitement, les institutions de la 5è République se mettent en place au cours d’une période de transition qui prendra fin en Mai prochain.
Le Togo vient de passer une étape importante avec la mise en place du futur Sénat.
Les élections sénatoriales du 15 février 2025 ont marqué un tournant décisif dans le renforcement de la démocratie et de la gouvernance socioéconomique du Togo. Le Sénat qui sera mis en place permettra non seulement d’opérationnaliser les autres institutions prévues par la Constitution du 6 mai 2024, mais aussi de décentraliser davantage le pouvoir politique en renforçant les mécanismes de régulation du fonctionnement des pouvoirs publics. Quelles sont ces innovations qui semblent incomprises par le citoyen lambda ? Quelles sont les étapes prochaines ?
Conformément à l’article 10 de la Constitution de la 5ème République, « le Sénat est composé pour deux tiers (2/3) de ses membres, de personnalités élues par les représentants des collectivités territoriales et pour un tiers (1/3) de ses membres, de personnalités désignées par le Président du Conseil ». L’ordonnance n°2024-001/PR du 5 novembre 2024 fixe, en son article 2, le nombre de sénateurs à soixante-un (61). Dans cette logique, les élections du 15 février 2025 ont permis d’élire quarante-et-un (41) sénateurs, soit les deux tiers (2/3). Quid du tiers de sénateurs qui seront nommés ?
Qui peut nommer le un tiers (1/3), soit les vingt (20) sénateurs afin que le Sénat puisse entrer en fonction, étant donné que le Président du Conseil n’est pas encore désigné ? Serait-on dans un vide juridique ? Cette question qui taraude l’esprit de certains compatriotes est légitime. Mais, la réponse est dans notre arsenal juridique. Cette situation est prévue et prise en compte par la constitution. Le dernier alinéa de l’article 10 de la Constitution précise qu’« une loi organique fixe le nombre de sénateurs, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité ou de désignation, le régime des incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants ainsi que le statut des anciens sénateurs ». Sur la base de cette disposition constitutionnelle, l’ordonnance n°2024-001/PR du 5 novembre 2024, en son article 60, précise que « Le président de la République en fonction nomme le tiers (1/3) des sénateurs de la première législature ». Le débat sur la compétence du Président de la République en fonction pour nommer les vingt sénateurs dans les prochains jours ne fait pas de doute. Les textes sont assez clairs.
Qui nommer ? La Constitution et ses textes d’application disposent que « le Prédisent du conseil » ou le « Président de la République » nomme le tiers (1/3) de sénateurs. Ainsi disposé, cette nomination relève, de ce que l’on appelle en droit, du « pouvoir discrétionnaire » ou de la « compétence discrétionnaire ». Dans le cadre du pouvoir discrétionnaire, de manière générale, l’autorité compétente dispose d’une large liberté d’appréciation de l’opportunité d’agir ou non. En matière de nomination spécifiquement, elle apprécie qui nommer et quand le faire, autrement dit, la loi n’ayant pas fixé les conditions à remplir par une personne pour être nommée, l’autorité de nomination peut nommer qui elle veut. Cette liberté lui permet d’agir avec plus d’efficacité en adaptant sa décision aux circonstances et au contexte sociopolitique. Ainsi, dans son rôle d’arbitrage et de régulation du fonctionnement des pouvoirs et en sa qualité de « garant du respect de la Constitution », Le Président de la République en fonction choisira les personnalités qu’il juge à même de contribuer à l’activité législative et à la régulation du bon fonctionnement des pouvoirs politiques dans l’intérêt général. Bonne chance à ceux et à celles qui bénéficieront de la confiance du Président de la République !
La Constitution du 6 mai 2024 harmonise les mandats des élus et rationnalise ainsi les dépenses d’organisation des élections. Rappelons que sous la Constitution de 1992, le Mandat du Président de la République est de cinq (5) ans, celui des députés et des sénateurs qui était de cinq (5) ans est passé à six (6) ans en 2019. Les élus locaux (conseillers municipaux et régionaux) ont un mandat de six (6) ans. Cette situation fait que le Togo organise presque chaque deux ans une élection. Or, non seulement le processus électoral paralyse sur une bonne période le fonctionnement normal de l’Etat, mais aussi engendre des dépenses importantes.
La Constitution de la Vème République, tirant les leçons de cette situation, a harmonisé le calendrier électoral afin de réduire les dépenses d’organisation des élections. A l’avenir, le Togo n’organisera qu’une seule élection générale chaque six (6) ans pour élire, les députés, les conseillers régionaux et municipaux. A l’issue des résultats, les conseillers régionaux et municipaux vont élire deux tiers des sénateurs puis le Président du Conseil nomme le tiers restant. Les sénateurs (élus et nommés) et les députés se réuniront en congrès pour élire le Président de la République, tandis que la majorité au sein de l’Assemblée nationale va se charger de désigner le Président du Conseil.
A noter que conformément à l’article 3, alinéa 4, de l’ordonnance N° 2024-001/PR du 05/11/2024 fixant le nombre de sénateurs, les indemnités, les conditions d’éligibilité ou de désignation, le régime des incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants ainsi que le statut des anciens sénateurs, au Togo ‘’Le Sénat se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit la proclamation des résultats définitifs’’.
Le Sénat devra se réunir selon la Loi en session de droit le jeudi prochain 6 Mars 2025.
Au regard des résultats définitifs proclamés le 24 février solennellement par la Cour constitutionnelle, sur les 41 sièges des membres élus du Sénat, le parti UNIR se frotte les mains avec trente-quatre (34), suivi des formations politiques « Le Bloc Alternatif Togolais pour une Innovation Républicaine » (BATIR) avec deux (02) élus, « Le Togo Autrement » avec un (01) élu, « L’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral » (ADDI) avec un (01) élu, « L’Union des Forces de Changement » (UFC) avec un (01) élu, « Le Cercle des Leaders Emergeants » (CLE) avec un (01) élu, puis l’indépendant « Les deux bisons » de Robert Olympio avec un (01) élu au Sénat.