Concrètement, la décision vise à garantir une utilisation appropriée du drapeau national par la chefferie traditionnelle : “Le drapeau, faisant partie des emblèmes nationaux, au même titre que les armoiries, l'hymne national, la devise et le sceau de l’État, son usage est strictement réglementé”, a précisé le ministre.
Les symboles incarnent la dignité de l’État. Le pavoisement c’est-à-dire la fixation du drapeau dans les lieux publics ayant un caractère officiel répond donc à une volonté de l’État d’assurer son exclusivité représentationnelle et axiologique conformément à ce que la constitution lui reconnait (seul attributaire de ses emblèmes).
La première catégorie de normes juridiques garantissant les symboles constitutionnels s’organise autour d’une finalité, qui est de l’État, et dont le pavoisement est le moyen typique.
Dans le cadre de ce monopole, le gouvernement, bras exécutif de l’État a toute compétence pour réglementer le pavoisement du drapeau. Il le limite généralement aux sites ayant un caractère public et officiels, c’est-à-dire abritant une administration ou une institution à caractère administrative reconnue par l’État. Ce pavoisement s’inscrit généralement dans un protocole édicté par l’État dans les cas où il y a un ou d’autres drapeaux à hisser (classement ou alignement par ordre alphabétique dans la langue d’origine du drapeau), ou en cas de catastrophe nationale mise en berne du drapeau (détermination par l’État du niveau où doit être hissé le drapeau et durant combien de temps.
Ce type de réglementation revient à ce que le doyen Hauriou appelle « les règles disciplinaires » de l’institution, qui « est constitué par l’ensemble des actes juridiques et des règles juridiques émanant de l’autorité sociale instituée qui a pour objet soit d’imposer aux individus des mesures, soit de créer des situations opposables, soit de réprimer des écarts de conduite, le tout principalement dans l’intérêt de l’institution et sous la seule action de la force de coercition dont elle dispose.
Le pavoisement renvoie spontanément au pavoisement public, mais le pavoisement privé existe aussi. Le pavoisement privé consiste dans l’utilisation des symboles étatiques par des personnes privées physiques ou morales, au contraire du pavoisement public qui concerne les autorités publiques. À l’image du pavoisement public, le pavoisement privé des symboles étatiques ne fait pas l’objet d’une réglementation précisément posée. Il se distingue du pavoisement public en ce qu’il ne fait l’objet d’aucune norme même coutumière. Le pavoisement privé relève en fait de la liberté des individus que le droit ne réglemente pas. Il s’agit ici d’une zone a-juridique ou de « non-droit » au sens où l’entend le doyen Carbonnier, c’est-à-dire « l’absence du droit dans un certain nombre de rapports humains où le droit aurait eu vocation théorique à être présent ». Le système juridique ne prévoit aucune norme formelle ou informelle pour réglementer l’usage du drapeau par les particuliers ce qui leur laisse une liberté de principe. Tout ceci bien sûr tant que les agissements ne versent pas dans l’outrage qui est pénalement sanctionné. Le pavoisement public et privé rentre dans la manifestation de la liberté d’expression consacrée par la constitution (voir préambule et annexe de déclaration des droits de la nouvelle constitution du Togo).
Dans le cas du pavoisement privé, les particuliers arborent certains drapeaux pour manifester une opinion, un sentiment. Dans ces cas, pavoiser aux couleurs nationales revient à exprimer, selon les circonstances : son soutien à la nation, sa solidarité, son appartenance à la communauté nationale, sa fierté de voir son équipe nationale triompher.
D’après la loi N° 2007-001 du 8 janvier 2007 portant organisation de l’administration territoriale déconcentrée au Togo, notamment les articles 3 et 25, le canton tout comme le village sont des unités administratives. Mais le Canton reste l’unité la plus importante en terme hiérarchique et les chefs de Canton sont ceux susceptibles de siéger au Conseil National de la chefferie traditionnelle. Ils sont officiellement reconnus par décret pris en conseil des ministres et sont rémunérés. Aussi, ils bénéficient d’une administration sommaire rémunérée par l’État. En effet ils sont dotés d’un secrétaire cantonal.
C’est fort de cette reconnaissance et de l’importance des compétences qu’ils détiennent dans le cadre de la collaboration qu’ils ont en tant que représentant des populations de leur ressort vis avis de l’administration (confer loi de 2007) que leurs palais sont assimilés aux administrations et sont autorisés comme toute administration à pavoiser le drapeau national.
L’affectation d’un secrétaire au chef de canton permet de garantir dans une certaine mesure le traitement respectueux et honorable qui convient d’accorder au drapeau. Aussi l’interdiction au chef village de pavoiser officiellement le drapeau répond à une volonté de marquer aussi dans la symbolique la hiérarchie établie par la loi de 2007 entre le Canton et le village en tant qu’unité administrative.
Pour rappel, le drapeau national a été dessiné par le professeur d’art Paul Ahyi et adopté comme emblème de l’Etat Togolais le jour de l’accession du pays à l’indépendance, le 27 avril 1960. Ses couleurs sont le vert, le jaune, le rouge et le blanc.