COMMUNIQUE RELATIF A L'ADOPTION DU BUDGET
ADDI NE SE RETROUVE PAS DANS LA LOI DE REGLEMENT DE FINANCES RECTIFICATIVE EXERCICE 2024 ET DANS LA LOI DE FINANCES EXERCICE 2025
Le 27 décembre 2024, le Projet de Loi de finances rectificative exercice 2024 et le Projet de Loi de finances exercice 2025 ont été adoptés par l'Assemblée nationale. Cependant, cette adoption a suscité des controverses, notamment en raison des observations émises par les députés de l’opposition parlementaire. Ces derniers ont voté contre le projet pour exprimer leur mécontentement face à l'absence de prise en compte de leurs observations et à la persistance de zones d'ombre sur certains points du budget.
Malgré cela, plusieurs médias, y compris ceux d'État, ainsi que des publications sur les réseaux sociaux, ont rapporté de manière insidieuse que le budget avait été adopté à l’unanimité, une information erronée qui ne reflète pas la réalité des débats parlementaires.
ADDI interpelle le gouvernement et la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) à veiller scrupuleusement à l’exactitude et à l’impartialité dans la transmission des débats des députés à l’Assemblée nationale. Il est essentiel que les faits soient rapportés avec transparence pour garantir une information fiable et renforcer la confiance des citoyens envers les institutions.
Afin d’éclairer l’opinion nationale et internationale, ADDI tient à partager ses observations sur le processus chaotique d’adoption de la Loi de de finances exercice 2025.
- Violations des dispositions constitutionnelles relatives aux lois de finances
il y a moins d’un mois, Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) avait déjà dénoncé le retard de la transmission à l’Assemblée nationale du Projet de Loi de finance 2025 par le ministère des finances. Faut-il le rappeler, même si les textes disposent que la Loi de finances soit adoptée au plus tard le 31 décembre de l’année précédant l’année budgétaire, la constitution prévoit aussi des dispositions permettant au Gouvernement de continuer de fonctionner si ce délai n’est pas respecté, ceci pour permettre à l'Assemblée nationale de bien examiner le projet de budget afin de le rendre plus réaliste et à la hauteur des défis.
Ceci n’est pas le cas dans certains pays comme les États Unis où l’Etat est bloqué si le budget n’est pas adopté dans les délais reglémentaires prévus par la loi.
Il est donc incomprehensible la précipitation avec laquelle le budget a ete adopte: les discussions budgétaires en commission ont duré environ une semaine, alors que la constitution prévoit quarante-cinq jours.
En outre, le processus suivi pour l’adoption de la Loi de finances exercice 2025 a souffert de plusieurs autres insuffisances. La représentation nationale ne disposait pas de documents indispensables de référence pour l’appréciation de l’intégrité, de la sincérité des comptes et de la qualité de l’exécution et de la gestion des ressources publiques. En effet, la Cour des comptes n’a pas soumis au préalable à l’Assemblée nationale le Projet de Loi de règlement pour adoption. Or c’est ce document qui permet notamment à l’Assemblée nationale d’avoir des informations sur la qualité de l’exécution de la loi de finances de l’année antérieure. Comment pourrions-nous jouer pleinement notre rôle de député dans un tel contexte de travail? Contrairement également aux dispositions de la loi organique n0 2014 2014-013 relative aux lois de finances, l’Assemblée nationale n’a également disposé d’aucun rapport d’exécution trimestriel de budget de 2024.
- Discussions parlementaires sur le budget présentant des lacunes graves
Il faut relever que des discussions à l’Assemblée nationale ont permis d’atténuer les pénalités pour défaut de déclaration à l’OTR dans les délais prescrits des résultats d’entreprises. Cependant, les parlementaires auraient pu contribuer de manière plus significative à la réduction du coût de la vie en prenant des mesures pour la réduction du train de vie de l’Etat. Mais comment peuvent-ils faire des propositions idoines lorsqu’ils ne disposent pas par exemple d’informations sur les voyages ou les avantages des membres de l’exécutif et de ce gouvernement pléthorique ? Comment discuter des mesures pour le renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme des forces de défense et de sécurité si les députés ne savent pas par exemple les efforts déjà faits.
En raison du court délai réservé aux débats parlementaires sur le projet de loi de finances : i) certains ministères, institutions et entreprises publiques n’ont pas été auditionnés par les députés ; ii) les députés n’ont eu qu’une heure et demie en moyenne pour discuter des budget avec les organisations qui ont pu être programmées ; iii) la majorité des entreprises publiques ont été représentées par des cadres et non par leur haute direction ; iv) aucune des commissions permanentes de l’Assemblée nationale n’a pu prendre connaissance au préalable des projets/programmes de leur ministère (feuille de route), n’a eu le temps nécessaire pour apprécier au préalable le projet de budget de ces ministères pour être en mesure de faire des propositions concrètes à la commission de l’économie et des finances.
Plus grave, les informations contenues dans le projet de loi de finances ne sont pas suffisamment désagrégées pour permettre un examen minutieux des ressources allouées aux différents départements dépensiers ou en provenance des multiples sources de collectes de recettes publiques. Des questions pertinentes des députés n’ont pas obtenu des réponses appropriées ou ont été simplement ignorées.
- Mobilisation des ressources
Ressources internes
Une des préoccupations majeures du budget de l’Etat est la faible mobilisation des ressources internes. Les recettes fiscales rapportées au PIB se situent à environ 15% contre une norme communautaire de l’UEMOA de 20%. Or les jeunes entrepreneurs, les TPME, les PME et les petits contribuables se plaignent du niveau élevé de la pression fiscale. Ceci semble être confirmé par une étude démontrant que la collecte des ressources publiques auprès du secteur informel par l’OTR est plus élevée que la moyenne de la sous-région. Or, au cours des trois dernières années, selon l’OTR, les grandes entreprises ont contribué en moyenne à 67,5% des recettes fiscales intérieures. Ces informations laissent des flous et des biais à la compréhension des députés.
Les députés ne connaissent pas par exemple les contributions (recettes fiscales et dividendes) au Trésor public des grosses sociétés d’Etat comme la Société nationale des phosphates du Togo (SNPT), la LONATO, le Port autonome de Lomé (PAL), de la Société autonome de financement de l’entretien routier (SAFER), etc.
Comment comprendre que les dividendes attendus des entreprises publiques ne soient que de 22 milliards en 2025 ? Quel est l’impact fiscal de la privatisation de Togocom ou de la BTCI…. ? Comment comprendre par exemple que la contribution aux recettes fiscales de PAL n’ait pas significativement augmenté suite à l’accroissement du trafic portuaire conséquence du détournement du transport maritime des pays du Sahel vers le port de Lomé ? Soit le management est improductif et peu performant ou bien les ressources sont détournées.
Il urge de prendre des mesures correctives. Le militantisme au premier rang des nominations et promotions ne sont-ils pas des canaux qui encourage la corruption. L’on se demande si les reformes entreprises portent réellement les fruits.
Par ailleurs, la mise en place de l’Unité de politique fiscale (UPF) devrait permettre à l’Office togolais des recettes (OTR) de se concentrer sur sa mission et d’éviter la dérive en proposant la loi de finances et l’exécuter en termes de collecte de ressources.
Ressources externes
Le volume des appuis budgétaires et autres soutiens des institutions bilatérales et multilatérales au Togo sont faibles. Or selon la Banque mondiale, le Togo a un score de 3,7 dans l’évaluation des politiques et des institutions, contre seulement 3,3 pour la moyenne des pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale et 2,9 pour la moyenne IDA en Afrique subsaharienne : avec cette excellente performance, le Togo devrait mobiliser plus de ressources externes pour le financement de son développement.
La faible mobilisation des ressources externes du pays s’explique notamment par : i) à la persistance des lenteurs administratives ; ii) aux problèmes institutionnels observés dans certains projets ; iii) à la faible maîtrise des procédures de décaissement des Partenaires techniques et financiers (PTF), par les acteurs nationaux ; iv) à la lourdeur des procédures de passation des marchés. Des cas avérés de corruption et de non-respect des procédures dans les passations des marchés publics font toujours légion. En outre, comme publié il y a quelques jours, le Togo n’a pas été admis au programme Compact du MCC en raison notamment de l’adoption conflictuelle de la constitution de la cinquième république et de la persistance des violations des droits de l’homme et donc du déficit démocratique dans le pays.
Il ne faut pas se le cacher, en plus d’approfondir la crise politique que nous vivons, la mauvaise gouvernance économique et politique du pays ont une conséquence désastreuse sur la mobilisation des ressources dans le pays.
- Situation de la dette publique
Aspect positif : i) malgré que son niveau soit élevée, la norme communautaire de l’UEMOA en ce qui concerne la dette publique est respectée par le Togo ; ii) le taux moyen pondéré de la dette totale qui était de 3,97% en 2024 est inférieur au taux de croissance du PIB suggérant ainsi que la situation de la dette n’est pas explosive ; iii) le fait qu’une grande partie de la dette publique soit en FCFA et en euros réduit les risques de taux de change sur les services de la dette ; v) etc.
Aspect négatif : i) les créanciers de près des deux tiers de la dette publique sont des togolais ; ceci peut être une bonne chose mais le revers est que cette situation réduit les capacités d’intervention du secteur privé dans l’économie ; ii) la diminution de la maturité moyenne du portefeuille de la dette a quant à elle diminué de 6,66 ans en 2022 à 6,43 en 2024 peut créer des problèmes de trésorerie à l’Etat ; iii) le risque de surendettement global du pays est réel, dans la mesure où la Valeur Actualisée (VA) de la dette rapportée au PIB dont la norme est fixée à 55% est dépassée en 2023 pour se situer à 59,0% : une moins bonne performance de l’économie par rapport aux prévisions entrainera automatiquement une augmentation automatique de cet indice !
- Commentaires sur les dotations budgétaires de quelques ministères
Le budget est la traduction chiffrée des priorités du gouvernement ; la dotation des ressources aux différents ministères révèle l’importance relative que le Gouvernement accorde effectivement aux différents secteurs.
Tableau synoptique des dotations de quelques ministeres en 2025
Départements ministériels |
En milliers de FCFA en 2025 |
Ministère des affaires étrangères |
19 620 324 |
Ministère de l’enseignement technique de la formation professionnelle et de l’apprentissage |
16 258 524 |
Ministère de l’accès aux soins et de la couverture sanitaire |
15 679 326 |
Ministère des sports et loisirs |
4 508 845 |
Ministère de l’industrie et de la promotion des investissements |
3 023 279 |
Ministère du tourisme |
2 184 658 |
A la lecture des données de ce tableau, on constate que pour le Gouvernement, les affaires étrangères sont plus importantes que l’enseignement technique, la formation professionnelle et l’artisanat et l’industrie et la promotion des investissements réunis. Or l’enseignement technique, la formation professionnelle et l’artisanat prépare les jeunes à l’insertion dans le monde du travail, l’industrie, la promotion des investissements, le sports et loisirs ainsi que le tourisme sont des secteurs intensifs en travail ! Quels résultats sportifs espérons-nous avoir sur le plan international, voire continental moins de 4 milliards de fonds publics pour tout le secteur. Le discours du Gouvernement prétendant qu’il se préoccupe de l’emploi des jeunes est un leurre.
Une enveloppe de moins de milliards de FCFA est allouée au secteur de la culture !
La forte dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères révèle la volonté du Gouvernement à poursuivre sa politique de l’autruche qui consiste à promouvoir une bonne image du pays à l’extérieur en cachant les multiples violations des droits de l’homme et la misère que vivent les Togolais. L’empirisme sur les cas de succès ne trouve pas de place dans les rapports d’interventions dudit ministère en matière de diplomatie économique et les nombreux déplacements du ministre des Affaires étrangères. Comment alors justifier ces ressources auprès des contribuables?
En conclusion, le rejet par l'ADDI du Projet de Loi de finances rectificative exercice 2024 et du Projet de Loi de finances exercice 2025 est principalement motivé par le manque de prise en compte de ses observations constructives, la précipitation et l’opacité du processus budgétaire, ainsi que l'absence de documents essentiels pour garantir la transparence et l'efficacité des finances publiques.
Le gouvernement doit impérativement prendre des mesures pour renforcer la sincérité du budget, respecter les délais constitutionnels et les procédures d'examen, et fournir aux députés toutes les informations nécessaires pour un débat éclairé. De plus, il est crucial de redresser la situation de la mobilisation des ressources, d'améliorer la gestion des entreprises publiques et de lutter contre la corruption afin d’assurer une gouvernance vertueuse et un développement durable pour le Togo.
Pour le Bureau National
Le Président National
Prof TCHABOURE GOGUE