Dans les villes, la population augmente à un rythme vertigineux. D'ici 2050, elle aura doublé et 700 millions de personnes supplémentaires en Afrique seront en âge de travailler. À l’échelle mondiale, un jeune sur trois résidera sur le continent. Pendant ce temps, les universités peinent à former les compétences dont les économies africaines ont cruellement besoin.
Dans les amphithéâtres bondés, plus de la moitié des étudiants optent pour le droit, la gestion ou les sciences sociales. Moins de 6 % choisissent les STIM sciences, technologies, ingénierie, mathématiques. Et parmi eux, les femmes sont une poignée. Pour diversifier ses économies, innover localement, créer des emplois durables et accélérer sa transformation, le continent doit repenser son enseignement supérieur.
C'est dans ce contexte qu'une idée émerge : créer, au sein des universités existantes, des centres de recherche de pointe, enracinés localement mais alignés sur les standards internationaux. Recruter les meilleurs chercheurs africains pour les diriger. Connecter chaque centre aux besoins locaux et régionaux et faire en sorte que les résultats scientifiques ne soient pas seulement publiés, mais aussi utilisés, transformés, commercialisés. Une manière de financer la recherche tout en nourrissant la dynamique économique.
Reste la question centrale : comment financer ces centres dans des universités souvent sous-dotées ? C'est là que la régionalisation et le soutien du Groupe de la Banque mondiale changent la donne. En mutualisant les ressources à l'échelle régional, les pays parviennent à structurer un réseau cohérent, attractif pour les étudiants, les chercheurs, les investisseurs. Le Groupe de la Banque mondiale, via son Association internationale de développement (IDA), mobilise des financements et offre une assistance technique, notamment grâce à un mécanisme novateur de décaissement lié aux résultats : à chaque objectif atteint accréditation, publication, insertion professionnelle une tranche du financement est versée.
C'est ainsi qu'est lancé le programme. En 2014, 22 centres ouvrent leurs portes dans huit pays d'Afrique de l'Ouest et centrale, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Cameroun, Ghana, Nigéria, Sénégal et Togo. Deux ans plus tard, une nouvelle vague porte ce nombre à 45 centres dans 18 pays y compris en Afrique de l’Est et australe, avec des thèmes élargis, des bourses pour les femmes, des incubateurs d'innovation, et du soutien à l'entrepreneuriat.
En collaboration avec l'Association des universités africaines (AAU) et le Conseil interuniversitaire d'Afrique de l'Est (IUCEA) qui coordonnent sa mise en œuvre sur le plan régional, et un co-financement de 72 millions de dollars de l'Agence française de développement (AFD), les CEA deviennent rapidement le plus grand programme régional financé par la Banque mondiale dans le secteur de l'enseignement supérieur en Afrique, avec plus de 657 millions de dollars investis.
D’ici dix ans, 362 millions de jeunes Africains supplémentaires entreront sur le marché du travail. Pourtant, seuls 151 millions d’emplois devraient être créés, laissant près d’un quart d’entre eux sans emploi. Face à cet enjeu de taille, les Centres d’excellence africains ont démontré leur capacité à former des talents hautement qualifiés et à stimuler l’innovation locale.
Et les chiffres parlent d'eux-mêmes : plus de 90 000 étudiants formés, dont plus de 7 600 doctorants et 30 000 diplômés de master, 18 000 stages ou collaborations avec des entreprises et 184 millions de dollars de revenus externes générés. Ce qui se joue ici dépasse l’avenir du continent : d’ici dix ans, un habitant sur cinq et un tiers de la jeunesse mondiale vivra en Afrique. Ce qui se passera sur le continent influencera l’avenir de la planète